2 septembre 2008

TF1 en Ferrari


Il est, paraît-il, toujours louable de vouloir changer quelque chose de mauvais. Pourtant, lorsque l’on voit les modifications que Laurence Ferrari veut apporter au journal télévisé de TF1, il y a lieu de s’inquiéter. Le JT de TF1 (celui de France 2 aussi) nécessite effectivement une réforme en profondeur : révision de la hiérarchisation des informations, plus d’efforts sur le traitement des grandes questions internationales, appel aux spécialistes plus souvent et surtout plus longuement, et enfin limitation les interventions inutiles généralisées. Laurence Ferrari, elle, le voit tout autrement. Nonobstant ses qualités indéniables de présentatrice, les évolutions qu’elle propose vont, selon moi, dans la mauvaise direction :

 

-       « plus de direct ». La contingence étant ce qu’elle est, les événements arrivent rarement tous entre 20h et 20h30. Qu’est ce que cela veut donc dire ? Je crains que cela signifie que l’on donnera encore plus la parole aux « gens sur le terrain » lors du JT, vous savez, les envoyés spéciaux sur place qui nous expliquent pendant cinq minutes qu’ils ne savent rien de plus que ce qu’on sait déjà, ou encore les témoins qui nous expliquent qu’ils ont vu le feu se propager, l’accident se produire, les nuages arriver, l’eau mouiller et le vent souffler etc. Bref, c’est ce à quoi il faut s’attendre, et cette évolution est d’autant moins souhaitable que dans cette recherche accrue de l’instantané, du scoop et de l’émotion immédiate, les journalistes finiront par dire encore plus d’âneries que ce qu’ils disent déjà. Florence Schaal, « spécialiste » de ce genre de reportages, et dont la performance a été d’annoncer en direct la mort d’un jeune garçon en réalité encore vie, en sait quelque chose.

-       « sujets plus longs, sous forme de dossiers de deux à trois minutes ». Remarque qui pourrait s’avérer pertinente si elle faisait référence aux sujets VRAIMENT importants. Cependant, ce n’est pas ce qu’indique le troisième point…

-       « renforcer les sujets dits de société ». Oula. La durée du JT étant un jeu à somme nulle, ce « renforcement » se fera indéniablement au détriment des autres sujets. Net parti pris, donc, puisque cela ne signifie rien d’autre que Laurence Ferrari présuppose que les sujets de sociétés sont plus importants que les questions politiques, économiques et internationales. Ou alors c’est simplement révélateur d’une volonté de susciter l’émotion la plus immédiate chez le téléspectateur, aux dépens d’un recul et d’un esprit critique dont il a pourtant besoin pour aborder les questions qui se posent à lui, citoyen responsable.

-       « Affirmer son point de vue éditorial ». Dernier point, mais pas le moindre. TF1 va-t-il assumer au grand jour qu’il vend des cerveaux à Coca ? A la lumière des points précédents, je pense plutôt que TF1, comme 90% des médias – quelle surprise ! –, optera pour le traditionnel tryptique « droit de l’hommisme-multiculturalisme-pacifisme zélé », tout simplement parce que ce sont des convictions faussement difficiles à défendre de nos jours et les plus représentatives de la pensée unique actuelle.

 

Certes il ne faut point juger avant de connaître, et je tiens à donner à mon analyse la mesure qu’il se doit : tout cela n’est que simple conjecture. En temps normal, on a plutôt tendance à souhaiter que les actes se rapportent aux mots ; dans ce cas, permettez-moi juste d’espérer le contraire.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

De la question du JT

Les journalistes et les chaînes de tété ont des difficultés liée à la concurrence. Comment faire un journal plus original, sans les recettes de ses prédécesseurs?

On oublie trop souvent que le journal télévisé relève plus du reportage au sens cinématographique, et que tous les autres points relèvent autant de l'école du cinéma que de celle du journalisme.